Si, tel Victor Hugo, il est capable de dessiner, d’écrire des chansons y compris
la musique,
une pièce de théâtre, un conte de fée, un
conte philosophique, un scénario de film, une nouvelle…
là, le poète basique va se faire valoir, se faire voir et être un jour reconnu (peut-être !!!) comme un
génie éclectique, s’il n’est pas déjà mort de faim, de
solitude,
de mélancolie ou de désenchantement.
En désespoir de cause, le poète méconnu, frustré, bringuebalé
par les éditeurs patentés – parce que la poésie, au 21ème
siècle, n’est pas commerciale, tout le monde le sait –
se métamorphose en poète-éditeur. Provocateur, il est
considéré comme « fou ». Il se démène,
il se
fatigue, il s’endette, il s’entête et publie enfin, en
toute inconscience, son premier recueil de poèmes qui
est censé le sortir du ghetto des anonymes, des quidams.
Il constate alors que « tout le monde » est
poète et se demande : à quoi sert la poésie en l’an 2004
?… tandis que
ses huit cartons d’invendus (de trente deux
livres chacun, à vingt deux Euros l’exemplaire) dépriment
dans le débarras humide attenant au petit garage sombre
où il faut obligatoirement « allumer la lumière »
pour y voir quelque chose. Le poète médite, rumine et
se rassure : « Heureusement, les livres se conserveront
en bon état, quelques années, grâce à leur emballage plastique
sous vide ! Et puis, comme on dit, ça ne mange pas
de pain ! ».
Assurément, publier sa poésie ne sert pas à « gagner
sa vie » mais à solliciter de charitables parents
et amis, sinon à expérimenter un prédisposition à la ruine,
à dépenser ses maigres économies comme on le ferait en
achetant un lot de remèdes naturopathiques non remboursés
par la Sécurité Sociale.
À quoi sert la poésie ? Et si c’était seulement pour épancher le trop-plein d’un
cœur,
d’un esprit en décalage par rapport au monde moderne,
civilisé, normosé, aseptisé, déshumanisé, dépoétisé...
Quelle mortification pour le poète, l’écrivain du dimanche,
l’auteur de chansons
de s’investir à tous les niveaux,
y compris et surtout financier, dans une production littéraire
non-conformiste jugée par avance « non rentable »
et « non rentabilisable » par les instances
de la société de consommation dont le maître-mot « croissance »
est invariablement distillé lors des interviews des « P.D.G. golden
boys » des grands trusts internationaux, des
pontifes
de la mondialisation !
Il y a bien longtemps que le poète est entré dans la « mondialisation »
et même dans « l’universel », mais sans esprit
de lucre, sans visée arbitraire
de « croissance » !…
hormis la croissance de son esprit, de sa conscience,
de son cœur et de son âme !