Le thème celtique des oreilles de cheval
du roi Marc'h ne diffère guère du
thème hellénique des oreilles d'âne
du roi Midas et l'histoire de la voile noire du
bateau de notre Iseult fait penser à celle
de la voile noire du bateau du héros grec
Thésée. Mais il serait aussi absurde
d'en déduire que les Grecs se sont emparés
d'un vieux mythe celtique que de prétendre
que les Celtes ont copié un modèle
grec. Chaque peuple a utilisé à
sa manière un certain nombre de thèmes
universels et en a tiré un ensemble plus
ou moins échevelé de contes et de
légendes marqué de son génie
propre.
En Irlande, en Écosse,
au Pays de Galles, au Cornwall et en Armorique, l'imagination débordante des peuples celtiques a fait fleurir une profusion rarement égalée
de ces contes populaires et de ces légendes
auxquels elle a imprimé une originalité
et un charme incomparables.
Au Moyen-Âge,
les récits légendaires composant
ce qu'on appelle la "Matière bretonne"
étaient réputés les plus
merveilleux de tous. "Li contes de Bretaigne
sont vains et plaisants" écrivait
un poète français du XIIIème
siècle qui les comparait à ceux
de Rome "savants et de sens apparent"
et à ceux de France "réalistes"...
À ceux qui
l'ignoreraient, je tiens à préciser
que cette Bretagne d'où provenaient les
plus belles oeuvres littéraires du Haut
Moyen-Âge ne se limitait pas à nos
cinq départements d'Armorique, mais comprenait
tout l'ensemble occidental peuplé de Bretons
à savoir, le Pays de Galles, le Cornwall,
le Devon, la Bretagne armoricaine, l'Avranchin,
le Chotelais... Ces divers territoires répartis
de part et d'autre de la Manche avaient les mêmes
traditions, les mêmes institutions politiques,
religieuses et sociales, possédaient une
même culture, une même littérature,
ont parlé longtemps la même langue...
Ce qui était aux uns était aux autres.
Néanmoins,
les différences locales, tant dans sa façon
de parler la langue commune que dans les structures
sociales apparurent peu à peu et allèrent
en s'accentuant. C'est pourquoi il existe d'importantes
différences malgré leur commune
origine, entre les récits recueillis au
XIIème au Cornwall et dans le Devon par
des adaptateurs français et anglais, ceux
qui ont été mis par écrit
au Pays de Galles du XIème au XIVème
siècles et enfin ceux qui se sont transmis
oralement jusqu'à nos jours dans le peuple
en Bretagne armoricaine.
Car jusqu'à
une époque récente la littérature
bretonne est restée orale et populaire.
Il y avait eu des bardes de cour auprès
des rois de Bretagne et des grands seigneurs jusqu'aux
invasions des Vikings au Xème siècle,
mais l'occupation normande a détruit nos
institutions et a été fatale à
la culture celtique des hautes classes de la société
et la culture celtique n'a été conservée
que par le peuple. De génération
en génération, nos paysans se sont
transmis le trésor ancestral de contes
et de légendes en l'adaptant à leur
propre univers, à leur temps, à
leur façon de penser et au besoin en modifiant
ce qu'ils ne comprenaient plus très bien.
C'est pour aider
moi aussi à la conservation de ce précieux
patrimoine que j'ai publié en 1973, en
1990, en 1994 et en 1998 plusieurs recueils de
contes et de légendes traditionnels de
Bretagne.
Mais si je suis ici
au milieu de vous aujourd'hui, ce n'est pas pour
vous parler de mon oeuvre, mais pour vous présenter
celle de ma talentueuse consœur Silviane.
Je la connais depuis une bonne trentaine d'années
et je puis certifier qu'elle fait partie de ces
trop rares poètes dont notre Bretagne peut
être fière. J'ai été
profondément remué par son premier
recueil "Dans
le droit fil de l'âme" pour lequel
j'ai rédigé la préface et
que je vous invite à lire, étant
persuadé qu'il ne vous décevra pas.
La dernière
oeuvre de Silviane que j'ai l'honneur de vous
présenter, c'est cette "Légende
de Mortecampagne" à laquelle j'ai
eu le privilège de participer en en assurant
l'illustration.
Pour la petite histoire,
c'est en regardant des dessins dans le couloir
de mon domicile que Silviane m'a proposé
d'assurer les illustrations de sa "Légende
de Mortecampagne". Le tableau suspendu dans
le couloir d'entrée est une présentation
illustrée de la chronologie de L'Histoire
de la préhistoire jusqu'en 1991 constitué
de plus d'une centaine de dessins. Il a plu à
Silviane et c'est avec beaucoup de plaisir que
j'ai repris plume et pinceau.
Je dis repris, car
étudiant à Paris, je croquais mes
professeurs de faculté et vendais mes caricatures
à mes camarades, puis, combattant
volontaire dans la résistance, je me faisait
passer pour l'artiste-peintre Yann Le Gouez et sous cette fausse identité, j'ai vendu
des tableaux. Si l'identité était
fausse, les tableaux ne l'étaient pas,
je peignais réellement... il fallait bien
vivre !
C'est ainsi que la
première oeuvre littéraire en prose de mon amie Silviane
Le Menn a été en même
temps ma première oeuvre d'illustrateur et je souhaite que l'ensemble vous procure beaucoup
de plaisir. Je lui laisse le soin de vous parler
tout à l'heure de sa Légende pour
laquelle elle a mis son cœur et son talent et qui séduira tout à la fois les
enfants et les adultes. |