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Conférence |
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LE
CONTE DIT ET ILLUSTRÉ |
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Conférence
du 8 novembre 2003
Association Art et Vie - Maison des Associations,
Le Relecq Kerhuon, Finistère |
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Le
conte existe depuis aussi longtemps que la pensée
imaginaire de l’homme. Bien avant que l’Homo
sapiens ne sache lire et écrire, le conte
se transmettait par la parole.
Ses origines se rattachent
d’abord à l’orature avantqu’on
ne le retrouve dans la littérature, écrit
dans des livres de contes pour enfants. Qui n’a
jamais lu et entendu de conte ? Qui n’a jamais
lu et entendu l’histoire de Cendrillon ou
de Blanche-Neige, entre autres ?
Nous savons tous ce qu’est un conte : «
c'est une histoire qui commence par, il était
une fois, et qui se termine par, ils vécurent
heureux et eurent beaucoup d’enfants »?
Nous pouvons comparer ce genre de récit merveilleux
à la légende qui, comme lui, fut en
premier lieu un récit oral avant d’être
écrit.
Contrairement à la légende,
le conte échappe à toute temporalité
et à toute localisation. C’est-à-dire
que nous ne pouvons pas situer un conte dans une
époque ni à une date précise.
Nous ne pouvons pas non plus dire exactement à
quel endroit l’histoire s’est déroulée. |
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Par opposition à la légende qui est
un récit de croyance, le conte, lui, n’a
comme seul but que le divertissement. Il répond
à un besoin d’évasion et de
détente. Nous savons bien que l’histoire
qui nous est contée est fausse, que les personnages
sortent de l’imaginaire de l’auteur
et que les événements décrits
n’ont jamais existés. Nous aimons à
nous laisser bercer par la beauté de l’irréel
et la quiétude d’un univers surnaturel
qui n’existe pas. Comme celui-ci est avant
tout destiné à nous plaire, nous y
retrouvons une forte préoccupation esthétique.
C’est pourquoi les auteurs de conte usent
de l’art de la beauté dans leurs histoires.
Par conséquent, nous retrouvons des personnages
physiquement parfaits : des princesses d’une
beauté exceptionnelle et des princes beaux
comme des dieux. On dit de ces personnages qu’ils
sont plutôt des caractères, car ils
n’ont aucune profondeur psychologique, les
demoiselles sont gentilles et douces, les messieurs
sont braves et n’ont peur de rien. Dans le
conte, on n’a pas besoin d’approfondir
la psychologie des personnages car, avant tout,
l’intérêt est centré sur
l’action et sur le merveilleux. Ainsi, il
y a les bons qui gagnent et les méchants
qui perdent toujours.
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Le conteur nous transporte dans un univers féerique
où les monstres et les lutins se côtoient
dans des pays merveilleux. Le merveilleux dont il
est question ici est aussi appelé surnaturel
conventionnel. Dans ces mondes enchantés,
nous retrouvons différents types de surnaturel
conventionnel : le surnaturel hyperbolique, exotique,
instrumental et scientifique. Jusqu’à
présent, nous avons eu comme portrait les
contes traditionnels, ceux qui hantaient notre enfance
le soir avant d’aller dormir, mais
il en existe
quelques autres. |
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Il y a le conte d’origine
populaire (identique au traditionnel mais écrit)
où nous avons droit à plusieurs sortes
de surnaturel. Tout d’abord, celui que nous
retrouvons le plus fréquemment est le surnaturel
instrumental qui se rattache aux objets magiques,
comme la baquette magique d’une fée
ou une flûte enchantée. En second lieu,
nous avons le surnaturel hyperbolique, caractérisé
par les exagérations verbales du conteur
: « Le dragon était gros comme la montagne
».
Le conte fantastique est souvent en relation avec
un événement qui déroge du
monde habituel dans lequel nous vivons, par exemple,
des chaises qui flottent dans les airs. On peut
aussi le rapprocher du surnaturel exotique qui
est aussi une déformation du réel
: les créatures – comme le monstre
du Lochness – font partie de cette catégorie.
Pour ce qui est du surnaturel scientifique, il
est surtout présent dans les contes à
anticipation futuriste où l’on retrouve
des actions ou des événements, comme
la téléportation.
Il existe aussi dans la littérature un
conte à part. Il comporte toutes les qualités
d’un conte populaire, mais des éléments
s’y rajoutent. Le conte philosophique –
ayant comme instigateur Voltaire – a fait
son apparition au XVIe siècle. Candide
particulièrement, en plus d’être
un conte, a été utilisé par
son auteur comme arme de critique envers l’optimisme
démesuré, d’où cette
phrase célèbre : « Tout est
pour le mieux dans le meilleur des mondes »,
une tirade qui se veut avant tout ironique. Ce
type de conte se distingue donc de ses semblables,
car il sert aussi d’instrument à
l’_expression philosophique de celui qui
l’écrit.
Le conte est né de l’oubli progressif
du caractère religieux du récit.
Il nous introduit dans un univers enchanté
dont la magie stimule notre imagination. Le conte
apparaît comme le miroir de l’homme
; il dévoile ses défauts et ses
haines mais il dit également la force de
ses idéaux. |
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Dans toutes les civilisations, à travers
les siècles, cette littérature orale
se transmet de génération en génération
dans toutes les sociétés. Que ce
soit par la voix d’une nourrice ou celle
d’un griot africain, le conte nous transmet
un savoir (une initiation au monde), un espoir
d’avenir meilleur car son dénouement
est presque toujours heureux. Cet espoir si nécessaire
à l’homme fait l’universalité
du conte. Si sa forme dépend de son lieu
géographique, sa matière est bien
souvent la même. Merveilleux ou philosophique,
le conte est une façon de voir la vie.
Le conte est un récit court qui se distingue
de la nouvelle car il n’est pas soumis aux
contraintes de la vraisemblance. |
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Il appartient à l’univers de la poésie.
A partir de l’époque romantique,
le conte s’est scindé en deux tendances
: le registre du merveilleux et – à
partir du début du 19ème siècle
– le registre du fantastique. Le conte aime
les décors fabuleux ou terrifiants.
Dans les contes fantastiques, l’irrationnel
fait une apparition brutale dans notre univers
cohérent.
La mort, les fantômes,
les vampires dans un climat d’angoisse font
que le récit aboutit parfois à un
dénouement fatal. Dans les contes de fées,
la magie intervient à tout moment. Ils
sont peuplés de dragons, de licornes, de
génies et d’elfes. Ils séduisent
notre imagination mais nous ne nous sentons nullement
inquiétés car d’emblée
nous pressentons un dénouement heureux.
Le conte nous emporte dans des contrées
fabuleuses où le temps n’existe pas. |
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Le
nom fée vient du mot latin fata (du latin
fatum signifiant destin). Les fées du moyen-âge
appartiennent à un genre de divinités
secondaires païennes qui ont survécu
au paganisme et que le peuple a mêlées
aux croyances du christianisme. On y rencontre
à la fois des survivances de la mythologie
latine, celtique et germanique. Les fées
leur ont emprunté l'influence qu'elles
avaient sur la destinée de l'homme et les
dons – bons ou mauvais – qu'elles
lui imposaient dès le berceau. Aux matres
ou matronae, divinités qui apparaissent
si souvent dans les inscriptions gallo-romaines,
elles doivent le caractère, généralement
bienveillant pour les hommes, chez les populations
qui ont été longtemps en contact
avec les Romains.
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Elles devinrent dures et méchantes
chez les peuples germaniques et scandinaves, qui
importèrent tout un panthéon de
nains : trolls, gnomes, kobolds et aussi elfes,
nixes, ondines, pixies,etc. Les gaulois eurent les saynettes qui habitaient
l'île de Sayne, sur la côte des Osismiens,
auxquelles on attribuait le pouvoir d'exciter
les tempêtes et de guérir les maladies
; on les connut en Écosse et en Irlande
sous le nom de fairies, de water-elven ou de daonie-see
; en Angleterre, on les appellera Klabbers ou
tylwith teg ; en Allemagne, alfen, kobold ou stille-volk
; les Arabes et les Persans avaient des fées
nommées féris, dives et djinors.
En Flandre, on connut les withe-wroukin (dames
blanches), fées malfaisantes qui épiaient
les voyageurs pour les entraîner dans leurs
demeures souterraines ; au Danemark, les fées
sont les nokka, musiciennes nocturnes des forêts
et des eaux ; en Russie, les duegar. Il faut remarquer
que ces produits de l'imagination humaine sont
malins et méchants dans tous les pays où
la nature est avare de ses dons : pays froid,
de montagnes, de nuages, comme la Scandinavie,
l'Irlande, l'Écosse ; au contraire, ils
sont doux et bienfaisants dans les pays méridionaux,
où la nature est riante et la vie relativement
facile.
Les littérateurs
prolongèrent le règne des fées
en les introduisant dans leurs récits.
Au moyen âge, dans les romans d'Arthur et
de la Table ronde, de Charlemagne et de ses paladins,
d'Ogier le Danois, Viviane, Morgane, Mélusine,
sont appréciées des poètes.
Quelques grandes familles adoptèrent certaines
d'entre elles comme protectrices. En se rapprochant
des hommes, elles en ont pris les passions, et
il n'était pas rare qu'elles s'éprissent
d'un beau chevalier, voire d'un simple manant.
La renaissance n'eut garde de les mettre en oubli
; elles revivent dans le Roland amoureux de Boiardo,
dans le Roland furieux de l'Arioste, dans la Reine
des fées de Spencer, dans le Songe d'une
nuit d'été de Shakespeare, dans
la Jérusalem délivrée de
Tasse, etc.
En
France, les fées n'ont jamais
été délaissées ; elles
apparaissent, jusqu'au grand siècle, pimpantes,
piquantes, réalisant des prodiges d'un
coup de leur baguette magique, parées à
la française dans les Contes de Perrault.
En musique, le mot fée
a servi de titre à de nombreux opéras
ou opérettes. Parmi les meilleurs oeuvres,
nous citerons la Fée Urgèle, opéra-comique
en 4 actes, représentée à
la Comédie-Italienne, en 1765 ; la Fée
aux roses, opéra-comique en 3 trois actes,
représenté à l'Opéra-Comique
en 1849 ; la fée Carabosse, opéra-comique
en 3 actes, représenté au Théâtre-Lyrique,
en 1859 ; les Fées, opéra, paroles
et musique de Richard Wagner, représenté
après la mort de l'auteur, en 1888, au
Théâtre Royal de Munich ; la fée
aux chèvres, opérette féerique
en 3 actes et 4 tableaux, représenté
à la Gaîté, en 1890.Simple
et touchante, l’histoire de Cendrillon inspire
Nicolo, Massenet, Rossini ou Prokofiev aussi bien
que Georges Méliès et Walt Disney.
En psychologie, les contes de
fées sont les archétypes de notre
inconscient collectif. Les mythes appris dès
la prime enfance nous hantent durant l'âge
adulte avec quelquefois des résultats surprenants. |
Un personnage de conte de fées
vit en chacun de nous !
Le connaître aide
à rendre le quotidien bien moins banal. |
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L'homme a toujours aimé
les récits merveilleux et extraordinaires.
Il s'est d'abord plu à écouter les
épopées (contes héroïques)
; au fur et à mesure que l'esprit s'affina,
le conteur prit pour objet de ses récits
les événements de la vie réelle,
qu'il transformait au gré de sa fantaisie,
soit en leur donnant la couleur du merveilleux,
soit en les présentant sous une forme satirique,
soit en recueillant les traditions populaires.
Certains contes sont très anciens et peuvent
être attribués à l'antiquité
égyptienne.
Les contes populaires eurent chez les Grecs et
les Romains, le même succès que chez
les peuples modernes et l'on en trouve de nombreuses
traces : l'anneau de Gygès et la baguette
magique de Circé, par exemple.
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Le conte
si gracieux de « l'Amour et Psyché
» n'a rien à envier aux inventions
qui ont rendu célèbres « les
Mille et une nuit ». Les anciens avaient
une foule d'autres récits fabuleux peuplés
de spectres et de fantômes, tels que La
Gorgone, la Voleuse d'enfants, etc.
L'Orient est la patrie des contes pleins d'aventures
extraordinaires, où le merveilleux joue
le principal rôle . Ils furent popularisés
au moyen âge grâce à divers
recueils, de singuliers ouvrages dans lesquels
sont mêlées naïvement l'histoire
et la fable, où « Romulus et César
» coudoient familièrement «
les quarante voleurs ». Ces recueils ont
donné naissance aux fabliaux, ces contes
vifs, joyeux, légers, égrillards
même, que les écrivains de toutes
les nations ont tour à tour mis à
contribution durant plusieurs siècles.
Les Italiens furent les premiers à imiter
les conteurs français. Boccace était
le fils d'une Parisienne et c'est en France qu'il
prit un grand nombre des épisodes de son
« Décaméron ». Avant
lui, Poggio-Bracciolini (le Pogge), dans ses Facéties,
écrites en latin, avait très fréquemment
puisé à la même source. Après
Boccace, les conteurs italiens sont légion.
Le burlesque Batacchi ainsi que Casti (Nouvelles
galantes), terminent, au XVIIIème siècle,
cette longue série de conteurs qui se sont
très souvent imités les uns les
autres.
En Angleterre, il faut surtout citer Chaucer et
ses « Contes de Cantorbery », qui
doivent beaucoup aux fabliaux français
et à Boccace mais qui n'en sont pas moins
des chefs-d'œuvre de narration variée
et spirituelle. Après lui, plusieurs auteurs
permettront au conte de figurer en bonne place
dans ce genre littéraire. Il faut citer
en particulier Dickens, avec ses « contes
de Noël ».
En Allemagne, Hans Sachs est
un des premiers qui aient écrit des contes.
Burkard Waldis, qui florissait dans la première
moitié du XVIème siècle,
a inséré dans son recueil de poésie
des contes libres et des nouvelles puisées
dans Boccace, Auguste Lafontaine et d’autres
auteurs. Il faut surtout mentionner Hoffmann et
ses « contes fantastiques », qui sont
presque tous des chefs-d'œuvre, Tieck et
ses « contes fantaisistes », et plus
tard, Sacher Massocq et ses « Contes juifs
et petits-russiens » publiés en 1879.
L'Espagne,
moins féconde en conteurs que l'Italie,
eut cependant dès le XIIème siècle,
la « Disciplina clericalis » de Pierre
Alphonse, pleine d'imitations des livres orientaux
; puis « le Comte Lucanor » de Juan
Manuel, l'archiprêtre de Hita, et quelques
autres. Au XVIIème siècle, Cervantes
écrivit ses « Novellas ejemplares
». On peut encore citer Antonio Trueba et
ses « Contes couleur de rose ».
En France, les conteurs se succèdent sans interruption.
Après les fabliaux –du XIIème
au XVème siècle – viennent
« les cent nouvelles Nouvelles » écrites
par les familiers du Roi Louis XI, « Les
Serées » de Guillaume Bouchet, «
les Récréations » et «
Joyeux Devis » de Bonaventure Despériers,
« l'Heptaméron » de Marguerite
de Navarre, « les Contes d'Eutrapel »
de Noël du Fail, « les Contes du Monde
adventureux » d'un secrétaire de
Marguerite de Navarre, « le Moyen de parvenir
» de Béroalde de Verville.
Au XVIIème siècle paraissent les
Contes de d'Ouville, les Contes de Perrault, les
Contes de Fées de Madame d'Aulnoy ; les
Contes de La Fontaine, imités des fabliaux
et de Boccace. Ils rattachent les conteurs du
moyen âge à ceux du XVIIIème
siècle : Voltaire, Piron, Grécourt,
Hamilton, Marmontel, Voisenon. Durant la première
moitié du XIXème siècle,
le conte semble abandonné pour le roman.
Notons cependant Berquin et ses « Contes
pour les enfants » ; Bouilly, Charles Nodier,
l'auteur de « la Fée aux miettes
», des « Contes de la veillée
» et des « Contes fantastiques »
; Jules Janin, également l'auteur des «
Contes fantastiques » et de « Contes
nouveaux » ; Balzac et ses « Contes
drolatiques », écrits dans la langue
de Rabelais ; Chevigné et ses « Contes
rémois », imités de La Fontaine.
Le conte populaire anonyme dont l’origine,
parfois très lointaine, est impossible
à préciser, a longtemps vécu
dans la tradition orale aux côtés
du conte littéraire né à
la fin du XVIIe siècle sous la plume de
Charles Perrault. Le conte populaire a longtemps
fait partie d’une culture vivante, transmise
oralement pendant des siècles et subissant
bien des transformations du récit. La plupart
des contes qui se racontent appartiennent donc
à un fond commun et les variantes ont vu
le jour au gré des déplacements
des individus. Pour certains contes, on recense
plus de 1000 versions différentes.
La pratique du contage ayant presque disparu en
France, le conte populaire se présente
donc aujourd’hui sous de nombreuses variantes,
rassemblées dans les campagnes au XIXe
et au début du XXe siècle, sans
qu’aucune ne puisse prétendre représenter
le "véritable" récit.
Il est donc particulièrement difficile
de définir avec exactitude le lieu d'origine
de la narration. Il est cependant possible de
discerner certains traits particuliers aux contes
qui permettent de les localiser : il s'agit soit
du répertoire (le fond du conte) ou du
style ( la façon de dire le conte).
Aujourd'hui, nous sommes entourés de nombreux
excellents conteurs, mais dont les écrits
sont plutôt des petits romans que des contes
proprement dits. |
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Le
conte de fées trouve ses origines dans
des mythes et des légendes aux motifs universels.
Si les premiers contes écrits apparaissent
en Italie à la Renaissance, c’est
avec Charles Perrault que naît un véritable
genre littéraire. Les fées sont
à la mode dans les salons : les "contes
de bonnes femmes" deviennent "contes
de précieuses". Cette vogue connaît
un renouveau au XVIIIe siècle avant que
le chevalier de Mayer ne dresse le "tombeau"
des fées à la veille de la Révolution
française. Parallèlement à
la collecte scientifique des contes populaires
allemands entreprise par les frères Grimm,
la création littéraire même
se renouvelle au XIXe siècle avec Andersen et le romantisme, culminant à la suite
de Lewis Caroll dans de véritables romans
féeriques. |
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Définition
du genre
Souvent absentes du récit, les fées,
ne suffisent pas à définir le conte
de fées. Cette expression désigne
en fait un genre littéraire français
correspondant à ce que les folkloristes
appellent le conte merveilleux.
Il se définit généralement
par sa structure narrative, mise en lumière
par les travaux de Vladimir Propp : un héros
ou une héroïne, subissant un malheur
ou un méfait, doit traverser un certain
nombre d’épreuves et de péripéties,
qui souvent mettent radicalement en cause son
statut ou son existence, pour arriver à
une nouvelle situation stable, très souvent
le mariage ou l’établissement d’une
nouvelle vie. Selon les cas, le conte peut combiner
de très nombreux éléments,
se répéter, et peut être aussi
complexe que long.
Ce schéma correspond souvent, pour les
personnages, au passage de l’enfance à
l’âge adulte et, notamment, à
la découverte de la sexualité. Les
psychanalystes y voient l’_expression organisée
de fantasmes et des récits de transformations
du héros permettant d’atteindre une
conscience supérieure, aidant à
la construction de la personnalité.
Le conte de fées se définit aussi
par le pacte féerique passé entre
le conteur et son auditoire ou ses lecteurs. Ces
derniers acceptent de croire à l’univers
merveilleux et à ses lois, d’entrer
avec le conteur dans un monde second sans rapport
avec le nôtre. Ce monde où les héros
sont comme anonymes, figures plus qu’êtres,
où les distances et le temps varient, où
toutes sortes de créatures peuvent se manifester,
où tout, de la forêt à la
clef, peut se révéler Fée.
Le
conte populaire : une tradition orale séculaire
Dans sa forme et dans son contenu, le conte populaire
témoigne de la vie sociale et orale dans
laquelle il s’intégrait. Le conte
a fleuri dans les milieux traditionnels, en quelque
sorte propriété collective du groupe.
Sa transmission ne dépendait que de la
mémoire des générations de
conteurs qui perpétuaient cette tradition.
Le message se devait clair, bien construit et
être compris de tous. Les conteurs s’adaptaient
à leur public, ajoutant au récit
de multiples résonances et clichés
pour permettre à l’auditoire de récupérer
au cours de la narration un élément
mal saisi. Les transmissions successives ont ensuite
"épuré" le récit,
pour ne conserver qu’un schéma susceptible
d’intéresser une majorité
d’auditeurs. À chaque narration,
le schéma a pris corps sous forme de «
version » ou « variante ». |
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LE
CONTAGE ou L’ART DE CONTER |
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Dans
de nombreux pays, cette culture est encore présente
aujourd'hui même si elle tend à être
en perte
de vitesse.
En occident, la lecture de
livres aux enfants remplace
peu à peu cet
art même si, dans un dernier sursaut, l'étude
des contes et du contage n'a jamais fait l'objet
d'autant d'attention.
On se rend mieux compte
aujourd'hui de la perte immense de ce patrimoine
dont on ne connaît que peu de secrets. |
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Au Moyen-Age, toutes les classes de la population
affectionnaient les contes. C'était la
plupart du temps un serviteur, doué pour
ce genre d'exercice, qui racontait à ses
maîtres.
Dans la bourgeoisie du XVIIIème siècle,
il a été considéré
que les contes étaient destinés
aux enfants mais, dans les classes populaires,
les contes ont continué à se raconter
aux enfants et aux adultes, sans distinction.
Au XIXème siècle, le conte était
donc l'apanage des gens des campagnes.
Conter est un art difficile et exigeant qui demande
à celui qui s'y risque une foule de qualités
: du goût pour l'art de dire, une bonne
mémoire, une excellente culture générale,
du talent et un sens du merveilleux hors du commun.
Toutes les facettes de sa personnalité
ressortent lorsqu'il "dit". Ils ont
pour la plupart leur répertoire propre
et une prédilection pour certains auteurs
ou certains contes. Il arrive au conteur de raconter
plusieurs fois le même conte mais jamais
il n'emploie les mêmes termes ni les mêmes
figures. À côté des éléments
stables qui forment la trame du conte, il en existe
d'autres, plus mouvants, qui lui permettent d'improviser.
Le rôle du conteur est de tenir son public
constamment en haleine car il ne s’adresse
pas à un public impassible. Il prend son
auditoire à témoin, le fait se ressaisir
et, au besoin, l’apostrophe. Il ne coupe
pas le fil de son débit. Il se sert de
sa voix mais aussi de ses gestes sans pour autant
être un acteur. C'est son attitude envers
le public, son positionnement dans l'espace qui
lui donne un rayonnement et l'attention du public.
Pratique
sociale devenue objet d’étude
Toutes ces variantes peuvent être lues à
la fois comme un "texte intégral"
et comme élément d’une série.
Le récit doit alors être constitué
à partir d’un recueil de versions
: le texte n’est pas donné au départ
mais à l’arrivée. Ainsi ont
procédé les frères Grimm,
réécrivant le matériau recueilli
et combinant les versions à la recherche
du récit initial. Les folkloristes ont
procédé différemment, tendant
à l’exhaustivité en rassemblant
toutes les versions connues. Dans son Catalogue
raisonné du Conte français (1951),
Paul Delarue (1889-1956) a ainsi répertorié
quelque trente versions différentes du
« Petit Chaperon rouge ».
Les recueils composés par les folkloristes
ne témoignent hélas que d’une
infime partie de la richesse du conte populaire
sous l’Ancien Régime. À mesure
que sa "pratique sociale" disparaissait,
il devenait un "objet d’étude"
pour spécialistes, au croisement de l’ethnologie,
de la sociologie et de la psychanalyse. Les contes
populaires, dédaignés pendant fort
longtemps par les gens instruits, n'ont jamais
fait l'objet d'autant d'études approfondies
car on assiste depuis quelques années à
un intérêt marqué pour le
conte et la matière féerique en
général.
Le
jouet de Propp
L’analyse structurale des contes débute
avec l’œuvre de Vladimir Propp (1895-1970),
La Morphologie de conte (1928), qui s’applique
à un recueil très spécifique
d’une centaine de contes du folklore russe,
collectés par Afanassiev à la fin
du XIXe siècle. Il définit trente
et une fonctions, toujours identiques, qui se
répartissent entre les différents
personnages. Retenons l’éloignement
des parents (qui favorise la rencontre avec l’agresseur),
le méfait ou le manque (d’époux,
d’enfant ou de richesses), la tâche
difficile ou le combat (contre un adversaire redoutable).
Ces fonctions peuvent être regroupées
en sept sphères d’action correspondant
chacune à un personnage-type : l’agresseur,
le donateur ou pourvoyeur, l’auxiliaire,
le personnage recherché, le héros
et le faux héros. Propp ouvre ainsi la
voie à un renouveau des études folkloriques.
"Les
séquences narratives" de Brémond
ou le meccano du conte
En se proposant de dégager une véritable
« logique du récit », Claude
Brémond - en 1929 - regroupe les fonctions
de Propp en un petit nombre de séquences
narratives dont les structures peuvent se multiplier
à l’infini en s’articulant
autour de trois moments clés, « comme
le jeu de Meccano dans la caisse de jouets d’un
enfant » :
• l'ouverture de l’action ou situation
initiale où l’on présente
les personnages et les motifs de l’action
: manque, pauvreté ou solitude du héros
• le passage à l’acte qui montre
le héros en pleine épreuve
• l’aboutissement de l’action
ou situation finale marquée par la récompense
pour le héros et le châtiment pour
ses adversaires.
Les motifs d’action psychologique représentent
« la juxtaposition d’un certain nombre
de séquences qui se superposent, se nouent,
s’entrecroisent, se joignent à la
façon des liens d’une tresse »
(Claude Brémond) : par le procédé
de l’enchâssement, ces motifs s’emboîtent
les uns dans les autres et permettent de mettre
en relief la substance du conte.
«
Les actants" de Greimas
Les structures ou transformations actancielles
de Algirdas Julien Greimas (1917-1992) recouvrent
en fait une série de phénomènes
sociaux qui se rattachent au « merveilleux
», c’est-à-dire à «
l’irruption du mystique dans le quotidien
». Tous les contes partent au départ
de « l’existence d’un ordre
social manifesté par la distinction entre
les classes d’âge et fondé
sur la reconnaissance de l’autorité
des Anciens ». Puis des phénomènes
se produisent de façon magique : ce sont
les "transformations actancielles",
des métamorphoses (opération magique
la plus fréquente) réelles (vieillissement
ou croissance) ou imaginaires, d’homme en
animal (L’Oiseau bleu), d’animal en
être humain (La Belle et la Bête),
d’être vivant en minéral (les
sœurs statufiées de la Belle), ou
en végétal (les amoureux métamorphosés
en palmiers dans Le Nain Jaune), de végétaux
en objets (la citrouille de Cendrillon).
Les
adaptations du texte
Les contes de fées comptent de nombreuses
adaptations du texte, expurgé, simplifié
ou résumé en vue de publics spécifiques
: milieux peu lettrés et peu fortunés,
âmes chrétiennes que l’Église
préserve de mauvaises lectures, enfants
apprentis lecteurs de plus en plus nombreux du
fait des progrès de la scolarisation.
Publics
enfantin et scolaire
À l’aube du XIXe siècle, les
éditeurs de contes de fées partent
à la conquête du public enfantin,
faisant subir aux contes des adaptations de fond
(simplifications lexicales et syntaxiques, résumé
du texte réduit à légender
une image de plus en plus envahissante) et de
forme (gros caractères et amples interlignes,
livres-objets d’étrennes, livres-jeux,
livres en tissu, etc.) .
Parallèlement, les contes de fées
pénètrent l’univers scolaire,
devenant des supports (alphabets et syllabaires,
manuels de lecture) et des accessoires de l’enseignement.
Publics
populaire et chrétien
Venu du peuple, mis en langage précieux,
les contes de fées littéraires retournent
au peuple par le biais de la bibliothèque
bleue dès avant 1723 et de l’imagerie
populaire à la fin du XVIIIe siècle.
Humbles livrets ou feuilles volantes, les contes,
et tout particulièrement ceux de Mme d’Aulnoy,
connaissent sous ces formes un véritables
essor.
Cette large diffusion auprès du peuple
ne laisse pas l’Église indifférente.
Si les contes des Grimm sont soumis au jugement
de l’abbé Bethléem (Romans
à lire, romans à proscrire, 1905),
des romans enfantins et ceux d’Andersen
« des romans de collège » peuvent
être généralement laissés
entre toutes les mains ; mais les contes de Perrault
appellent la prudence : ces récits, dans
l’édition complète, contiennent
parfois des expressions un peu fortes et trop
libres pour les enfants. Aussi les éditeurs
chrétiens s’emploient-ils à
« revoir » les contes, et tout particulièrement
leurs moralités.
Transpositions
diverses
Le conte de fées devient alors l’objet
de transpositions aussi diverses que variées
qui montrent sa vitalité. Dans le domaine
politique, les caricatures empruntent certains
thèmes richement connotés et facilement
reconnaissables par tous : en 1919, Hansi montre
une Belle Alsacienne endormie qui est réveillée
par un beau Prince à l’uniforme bleu-horizon.
Jean Claverie présente un Petit Chaperon
rouge dont la mère travaille dans une pizzeria
; le dessinateur Fmurr crée une version
dans laquelle le même petit chaperon rouge
à la tête d’une armée
de ses semblables se livre à une véritable
bataille rangée contre une armée
de loups non moins déterminés. Yvan
Pommaux réécrit et illustre les
contes de Perrault à la sauce du roman
noir américain dans « Le Grand Sommeil»
en 1998.
L’illustration apporte également
ses propres interprétations des contes.
Réduite à une simple vignette avec
Charles Perrault, elle s’affranchit peu
à peu de la lettre pour offrir une autre
lecture, parfois bien différente du texte.
À la suite de Gustave Doré, des
artistes livrent leur propre vision, dramatique,
humoristique ou fantastique, qui transcende le
récit. Enfin, des objets quotidiens s’approprient
les scènes les plus célèbres
des contes, souvent réinventées
pour les besoins d’une marque ou d’un
jouet… |
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Enjeux
et visions de l'illustration
L’illustration conquiert l’espace
du livre, se démultipliant pour scander
les temps forts du récit dont elle dégage
ainsi la structure, s’agrandissant jusqu’à
devenir tableau. Donner à voir la féerie
peut paraître une gageure que des artistes
au talent de visionnaires ont su brillamment relever.
À rebours de la veine humoristique initiée
par Cruikshank et prolongée par Lorioux
puis Claverie, Gustave Doré impose une
vision dramatique des contes de Perrault, tandis
que, servies par la quadrichromie, les aquarelles
de Rackham, Dulac et Nielsen donnent une nouvelle
dimension à l’illustration de la
féerie.
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Un frontispice et des vignettes
Les caractéristiques du conte, notamment
ses origines orales, sa structure narrative et
l’universalité de ses motifs ont
influé sur son illustration. Présent
dès la copie manuscrite des contes de Perrault,
le traditionnel frontispice rappelle l’oralité
du conte. Cette image emblématique perdure
longtemps en ouverture des éditions illustrées.
Jusque dans les années 1840, l’illustration
des contes de Perrault est fréquemment
réduite à un tel frontispice et
une seule vignette par conte. Ainsi s’est
constituée une imagerie restreinte du conte
de fées, partie intégrante du conte
et se transmettant avec lui, fortement inspirée
par les dessins ornant la copie manuscrite des
Contes de ma mère l’Oye que Clouzier
a gravé pour l’édition originale
de 1697.
Des
Éditions illustrées
Avec
les éditions romantiques illustrées
des contes de Perrault, l’unique image emblématique
du conte cède le pas aux nombreuses vignettes
gravées sur bois et insérées
dans le texte, offrant par là même
une lecture en images du conte. À l’instar
du texte qu’elles mettent en lumière,
ces images ciblent l’essentiel dégageant
ainsi les temps forts du récit : tout en
illustrant le texte à la lettre, l’image
en oriente la lecture, érigeant de fait
l’illustrateur en conteur bis.
Un
univers féerique
Plus que les caractéristiques littéraires
du conte de fées, la féerie permet
à l’illustrateur de s’affranchir
de la lettre et s’offre comme un domaine
de prédilection pour son imagination. Quel
meilleur exemple que les mille et un visages de
la Bête pour rendre compte de cette liberté
d’illustration du conte de fées.
Le texte de Madame Leprince de Beaumont ne fournit
pour tous traits que ces maigres indications :
"une bête si horrible", "une
voix terrible", "cette horrible figure",
"ce vilain monstre". Face à si
peu d’indices, certains illustrateurs laissent
libre cours à leur imagination. De cette
liberté de représentation du féerique,
certains artistes ont su tirer le plus grand profit,
s’appropriant un genre, créant tout
un univers. La valeur plastique de leur mise en
images comme leur interprétation humoristique,
dramatique ou fantastique, sont révélateurs
d’un véritable talent de visionnaires.
De
l’humour en image
Trop souvent ignoré, l’humour présent
dans les contes a inspiré de nombreux illustrateurs,
à commencer par George Cruikshank (1792-1878).
Caricaturiste politique de renom, il est le premier
illustrateur anglais des contes de Grimm dont
il livre une interprétation facétieuse
avec des personnages bouffons aux expressions
comiques, saisis en mouvement, dans des décors
grotesques. Avec les illustrations de Félix
Lorioux (1872-1964) prévaut un traitement
jovial et déluré. Parmi les illustrateurs
contemporains perpétuant cette veine, Jean
Claverie associe humour et tendresse dans une
atmosphère aux tons pastel.
Des
visions dramatiques
À rebours de cette interprétation
légère et amusée, Gustave
Doré (1832-1883) impose une vision dramatique
des contes de Perrault à travers les quarante
planches réalisées pour l’édition
Hetzel en 1862. Déjà en 1785, Clément
Marillier (1740-1808) avait habilement usé
de la dramatisation en images dans son illustration
du Cabinet des fées où les scènes
les plus galantes voisinent avec des scènes
troublantes par leur violence, leur climat ou
l’étrangeté des êtres
représentés. Le style trouve cependant
un maître en Gustave Doré. Chez lui,
tout concourt à la dramatisation du conte,
depuis la mise en scène théâtrale
du tableau jusqu’aux moindres détails
qui génèrent un réalisme
terrifiant. Cet art de la composition dramatique,
quoique moins construit, se retrouve dans les
illustrations de Bilibine (1876-1942), la couleur
et l’ornementation en plus. Bilibine associe
aux contes traditionnels russes et à ceux
de Pouchkine une imagerie fantastique qui puise
son inspiration dans l’art populaire russe.
Un
univers fantastique
Affleurant chez Doré, prégnant chez
Bilibine, le fantastique s’épanouit
au début du XXe siècle avec Arthur
Rackham, Edmond Dulac et Kay Nielsen. Chef de
file de ce trio, Arthur Rackham (1867-1939) fait
figure de véritable enchanteur. Inspiré
par la veine humoristique, il allie au grotesque
de Cruikshank la grâce d’un imagier
des fées et gnomes, d’un peintre
animalier et d’un amoureux de la nature.
Dans son illustration de Poucette en 1980, Lisbeth
Zwerger joue de la transparence des tons sépia.
D’une imagination moins prolixe, Edmond
Dulac (1882-1953), prête à l’illustration
du conte ses talents de coloriste soumis aux influences
multiples du préraphaélisme, de
l’estampe japonaise et des miniatures orientales.
Caractéristiques que partage le Danois
Kay Nielsen (1886-1957) dans un style toutefois
plus décoratif où percent les qualités
d’un décorateur de théâtre
avec des paysages très stylisés,
voire épurés, des atmosphères
obscures et des couleurs froides.
Évoquons
pour terminer le surréalisme de Frédéric
Clément, illustrateur des contes de Mme
d’Aulnoy, qui nourrit une préférence
marquée pour les récits à
métamorphoses. Dérangeantes pour
certains, ses images glacées donnent à
voir un monde hors du temps, désincarné,
peuplé de femmes aux coiffures insolites
en forme de corolle, vasque de fontaine, luminaire,
rapace, crânes mortuaires et aux robes gonflées
formant baudruche ou bien banquette.
Ce bref panorama omet certains noms illustres.
Il n’aspire point à l’exhaustivité
mais à dégager quelques registres
majeurs de l’illustration du conte de fées
dans lesquels se sont distingués de grands
imagiers.
Gustave
Doré (1832-1883)
Gustave Doré (1832-1883) fait ses débuts
d’illustrateur – dès l’âge
de quinze ans – dans la presse caricaturiste.
Il vient au livre en 1854, où il impose
rapidement son style. En une trentaine d’années,
il exécute près de dix mille illustrations
pour l’édition. Dessinant directement
sur le bloc à l’encre de Chine ou
au lavis, il renouvelle la gravure sur bois par
le bois de teinte qui rend à merveille
les nuances et jeux de contrastes. En1855, il
conçoit avec l’éditeur Hetzel
le projet d’une collection de grandes éditions
in-folio des chefs-d’œuvre de la littérature
dont L’Enfer de Dante constitue le premier
titre et les Contes de Perrault le second. Composé
de quarante "tableaux", ce "très
grand livre, très cher" paraît
en 1862. Alors âgé de trente ans,
Gustave Doré s’offre pour ce livre
une grande liberté d’illustration. |
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Pour
créer la couverture de mon conte de fées
et néanmoins conte philosophique « La légende de Mortecampagne » paru en novembre 2002, Yann
Brekilien s’est inspiré avec talent
de la
célèbre gravure de Gustave
Doré « L’enchanteur
Merlin et la fée Viviane ».
L’illustration d’un livre demande
une souplesse d’adaptation ce qui n’est
pas toujours évident. L’image doit
ruser avec l’espace afin d’évoquer
le temps qui s’écoule entre les différentes
actions. Les pages d’un livre sont certes
un bon moyen de sectionner les passages d’un
texte, mais Yann Brekilien, par ses illustrations
s’est employé à faire ressentir
lors de la lecture ce découpage d’une
manière personnelle et originale. |
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Ainsi, Yann Brekilien illustre abondamment le
texte de « La légende de Mortecampagne
», joue sur l’irrégularité
des passages illustrés en rompant par exemple
le rythme des images, ou encore différencie
les actes des personnages en changeant l’expression
de leur visage et en faisant varier les couleurs.
Il évite ainsi au spectateur une composition
trop vaste pour être saisie en bloc.
Si l’image apparaît comme un élément
majeur, il ne faut pas oublier son rapport au
sens du texte.
Il est difficile d’introduire
un « non-sens ». Dès lors,
un détail comme la présence ou l’absence
de décors dans l’image apparaît
comme un élément essentiel : le
décor signifie le sens. La présence
de décors réaliste nous situe dans
un pays concret, connu, « sensé »
au contraire d’un monde extravagant, fou,
« insensé » comme c’est
le cas pour certains illustrateurs. Mais le décor
est-il nécessaire ? Le « non-sens
» ne repose pas sur « l’absence
de sens mais l’infinité des sens
possibles ».
Les interprétations de Yann Brekilien apparaissent
ainsi comme bien adaptées au récit
et cette
« infinité de sens possibles
» est peut-être la clé qui
permet au conte d’être merveilleusement
enrichi par les illustrations.
Président Fondateur de l’Association
des Écrivains Bretons, mon ami de longue
date, l’écrivain Yann Brekilien,
est renommé pour avoir publié un
bon nombre d’ouvrages populaires dont son
livre
« Conte et légendes du pays
breton » mais rares sont ceux qui connaissent
sa casquette d’illustrateur. Je suis heureuse
que la publication de mon conte de fée
ait été pour lui l’occasion
d’exercer son talent. |
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LA
LÉGENDE DE MORTECAMPAGNE |
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Pour
quelle raison ai-je intitulé mon récit « La légende de Mortecampagne
» alors qu’il s’agit
d’un conte ?
La légende - du latin legenda : choses
qui doivent êtres lues - est un récit
à caractère merveilleux où
des faits historiques sont transformés
par l’imagination populaire ou par l’invention
poétique. Elle peut être créée
de toute pièce par un esprit mystique ou
poétique en communion avec les masses populaires
: mais elle est le plus souvent l’éclosion
même de l’imagination inconsciente
de ces masses. Dans l’un comme dans l’autre
cas, elle n’a pas cessé d’être
en pleine formation parmi nous. La forme de la
légende est simple et son objet d’évocation
essentiel est le miracle. A l’origine, la
légende racontait la vie des Saints et
étaient lues dans les couvents.
De nos
jours, il s’agit plutôt de récits
merveilleux d’un événement
passé fondé sur une tradition plus
ou moins authentique. La légende est plus
soucieuse du détail que le conte. |
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«
La légende de Mortecampagne »,
se situe donc dans la tradition du conte et à
mi-chemin de la légende. Il m’a été
inspiré en 1995 par des événements
réels que l’écriture poétique
m’a permis de transposer afin de laisser
libre court à mon imagination imprégnée
de contes, mythes et légendes durant mon
enfance et je ne suis pas sûre d’être
vraiment sortie de l’enfance !
Le Seigneur Ego, la sorcière Venima, la
fée Cristal et l’enchanteur Eoldin
sont les personnages principaux de ce conte philosphique à la manière de Voltaire, conte de
fée au thème universel : le bien,
le mal, le despotisme. Le récit conduit
l’imaginaire du lecteur du mal vers le bien,
de la haine vers l’amour, du désordre vers l’ordre, du despotisme vers la liberté.
C’est ainsi qu’à la fin de
l’histoire, le village de Mortecampagne est rebaptisé Chantevie.
Qui
ne connaît dans son entourage un Seigneur
Ego, une vilaine sorcière Venima
ou une
gentille fée Cristal ? Qui n’aspire
à recevoir un jour l’aide d’un
enchanteur, ce grand magicien doté de pouvoir
surnaturel ? Le lecteur a la possibilité
d’intégrer les éléments
du récit à son vécu personnel
et à son idéal de société,
d’humanité.
J’espère que vous serez curieux de
découvrir ma « Légende
de Mortecampagne » et que vous
apprécierez la qualité du travail
important accompli par les intervenants, tous
bénévoles, que ce soit au niveau
de l’écriture (le texte se résumant
au départ à une page dactylographiée),
au niveau des illustrations (dont la réalisation
a nécessité une année) et
au niveau des traductions en breton, anglais et
allemand (dur labeur également). L’élaboration
et la conception de l’ouvrage se sont étalées
sur trois années. La gratification de ce
travail, c’est le bonheur que je ressens
lorsqu’un lecteur découvre le livre,
l’aime et tout heureux, l’emporte
chez lui, comme un trésor !
Mais aujourd’hui, ma joie et ma récompense
c’est d’être parmi vous et d’avoir
le plaisir d’écouter maintenant,
en votre compagnie, la lecture de «
La légende de Mortecampagne ».
Merci à tous de votre présence et
de votre écoute attentive. |
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©
Silviane Le Menn, 8 novembre 2003 |
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Dernière
mise à jour
lundi 29.01.2018 10:17
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