Je suis restée cent ans devant la porte close
et n’osant pas entrer de front dans l’inconnu
M’a-t-elle porté bonheur, bohémienne aux seins nus
qui visita un soir mes rêves en broussailles ?
Sur la cime du ciel, je vois mon avenir
presser la veine d’amour sur la tempe des dieux
Je vois mille mains bleues qui saisissent mon corps
et qui parlent de paix en lissant mes cheveux
Comme des chevaux sauvages qui galopent au soleil
Je vois des paysages qui fondent à mon éveil
Et puis tu es venu avec ton air placide
me parler des sagesses qu’il faudrait conserver
J’étais restée cent ans devant la porte close
et soudain derrière moi la porte s’est refermée
Je vois venir le jour où nous sera donnée
l’interminable cohorte des fronts illuminés
Je vois des sépultures et des berceaux plombés
Plus l’amour sera pur, plus la mort sera gaie
Comme tisons et braises fleurissent en cheminée
mon coeur fleurit à l’aise sur l’autre face de la journée
M’a-t-elle porté bonheur, bohémienne aux seins nus
qui visita un soir mes rêves en broussailles ?
Je suis restée cent ans immobile et secrète
le prélude fut long, mais la moisson fut faite
Et puis tu es venu me parler d’escapades
de vérités antiques et du fin fond de moi
Comme des chevaux sauvages qui viennent à mon appel
tous les êtres qui m’aiment viennent à mon secours
Je vois mon avenir sur les bandeaux du ciel
Encore cent ans de mieux et je suis éternelle
Encore cent ans de mieux et les vautours des limbes
plongeront dans mon corps tout envahi de glèbe
Je vois des cimetières de rêves avortés
et des monceaux de chair, lambeaux de liberté
Mais la vie me saisit de ses grands bras musclés
et me donne tout l’amour que je peux désirer
Sur la cime du ciel je vois les jours prochains
accrocher mon espoir sur la tempe des dieux
Elle m’a porté bonheur, bohémienne aux seins nus
qui visita un soir mes rêves en mes entrailles |