Entre ciel et soleil
s’étale un grand rocher
lissé dessus la mer
comme une crêpe en terre
à la jupe effilochée
aux formes singulières
Mon île est posée là
au sein de l’infini
désert bleu marine
Mais la mer qui dessine
au bas de sa jupe rêche
un éternel feston
de marguerite blanches
semble dire au poète
un secret douloureux
Et le poète va
sur la vague enjôleuse
vers le pays mystique
où règne une pleureuse
Lorsqu’au loin le guéveur
gémit et fend la brume
mon île au creux des flots
sent venir un vertige
Les vagues sont rebelles
et les bateaux fragiles
La dentelle est bannie
des coiffes de mon île
Le ballet des tempêtes
déploie son âme vile
et sa beauté mortelle
pour les parer de noir
Quand la mouette passe
bousculant les nuages
la pleureuse aux pieds nus
s’échoue sur le rivage
On entend sa complainte
jaillir des algues mauves
et se mêler au vent
comme une litanie
Les pêcheurs burinés
pêchent dans les abysses
et les pleurs de l’aimée
sur les joues brunes glissent
tandis qu’un grand soleil
réchauffe ce rocher
qui emprunte à la mer
liberté et danger
Mon île solitaire
a ôté sa vareuse
pour me montrer son cœur
Et j’ai vu un jardin
enclos d’un mur de pierres
où poussait une fleur
dans une terre de sable |