Vous m’avez donné vingt ans une nuit de février
avec du lilas mauve comme une vie en deuil
Vous m’avez donné vingt ans, les ai-je mérités
Je n’attendais pas vingt ans pour une vie hypothéquée
Vous m’avez donné vingt ans, vous m’y avez forcée
Je ne vous en veux pas
car cette nuit-là le champagne a coulé
sur des goulées de rire et des sanglots de joie
Vous m’avez donné vingt ans en vitesse, en pagaille
Vingt ans désordonnés sous un chapeau de paille
qui protège mon coeur
des soleils trop brûlants de la maturité
Vous m’avez donné vingt ans brusquement, par surprise
avec pour cri de guerre des sursauts enfantins
mêlés à des soupirs d’adulte en chemin
Vous m’avez donné vingt ans avec la croix et la bannière
avec des amours chauves et des bolées d’espoir
Vous m’avez donné vingt ans avec des lunes de fiel
qui prennent des allures
de touriste égaré dans un dépôt d’ordures
Vous m’avez donné vingt ans en tourbillon de vide
avec des courses longues
avec des marches à vie
dans les négations de mon envie
de ciel bleu, de ciel pur et de paresse
de bonheur et de caresses en fleur
Vous m’avez donné vingt ans avec des mesquineries
avec des yeux en sueur et des semblants de rire
Vingt ans d’inconscience
Vingt ans de jachère
Vingt ans dites belles années
Vingt ans embourbés d’injustice
Vingt ans heureux pourtant
Vous m’avez donné vingt ans avec la bouche en coeur
pour embrasser la vie, pour conquérir la vie
Alors j’ai soufflé les vingts bougies
d’un souffle qui venait du coeur |