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Qui suis-je ?
Voyelle insaisissable, abstraite
Je ne compte pour personne
nombre, consonne
Suis-je l'aspect positif des choses refusées ?
Suis-je l'évanescence personnifiée, éventée ?
Suis-je l'insaisissable bifurcation jamais empruntée
chemin détourné dans les pistes de sable ?
Suis-je l'Ophélie de ma folie ?
Cueillera, cueillera pas, qui cueille et puis se noie
Suis-je l'ustensile qui ne s'use que si l'on s'en sert
famélique muse, ni menu, ni dessert
Et la rivière fuit comme assourdie
dentelettes d'oubli en robe d'organdi
Le port s'éloigne comme en témoigne
le lit qui court aveugle et sourd
Le cœur s'envole, profiterole
et cœur baba, encore une fois
Le ver est dans le fruit et la pomme se pourrit
l'escalier fou branlant et le couteau tranchant
C'est ça la vie, bonjour l'oubli
partis l'amour, l'ami, suivant leur fantaisie
La vie, comme un ruisseau
Coeur bouclé, à double clé
Négations, haïr, interrogations
souvenirs, affirmations, reconstruire
Clé d'or à double corps
Rêves à éclore, rêves trésor
Côté cour, fou d'amour
Côté jardin, violons câlins
bouches miel et septième ciel
Mais coeur s'envole, profiterole
et coeur baba encore une fois
Pourtant, pourtant, écoute-moi un instant
A demi-mot, je te dirai l'amour
pas un mot de trop dans la lueur du jour
A demi-mot, que tu ne t'enfuies pas
par peur des mots, flasques et gras
des mots légers, juste équarris
des mots floqués pour que tu ries
A demi-mot, sur l'oreiller de la nuit
en chapelet d'harmonie
mots se suivent et ne se ressemblent pas
de la vie jusqu'au trépas
A demi-mot, à petits pas
je conduirai l'amour chez toi
La paix de l'arbre, alors, pénètrera en toi
à le regarder, si près de ta fenêtre
neuf de printemps après le triste hiver
comme toi, comme moi
lumière de la vie, magique revenue
éternel renouveau
majesté de l'arbre grand, symbole des forces profondes
flambeau géant du monde, espoir vivant de renaissance
La vie vaincra, l'amour vivra
la vie c'est ça, l'amour en toi
©
Silviane Le Menn
Paris, le 20 mai 1984
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